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Et si l’éclairage devenait vivant ?
Eclairer nos villes avec des organismes vivants, l’idée est lumineuse et pourrait bien voir le jour dans les années à venir. Dans un avenir plus ou moins proche, il sera possible d’illuminer les devantures des magasins, les monuments, les rues, le mobilier urbain et la signalétique de manière biologique et sans aucune électricité. Mais comment la nature pourrait-elle remplacer l’éclairage classique, grande consommatrice d’énergie ? La réponse tient en un mot : bioluminescence.
Une lumière froide
Depuis très longtemps, de nombreuses espèces animales et végétales, comme les lucioles, les vers luisants, les crustacés, les algues ou les méduses, produisent de la lumière de manière autonome et l’utilisent pour se repérer dans l’obscurité, communiquer, attirer des partenaires sexuels ou des proies, se camoufler ou repousser les prédateurs. Contrairement au soleil, la bougie ou l’ampoule à filament, ces animaux et végétaux produisent et émettent une lumière froide qui ne repose pas sur une variation de température. En d’autres termes, ils éclairent mais sans chauffer.
Il existe trois types principaux de bioluminescence : la bioluminescence intracellulaire, la bioluminescence extracellulaire et la symbiose avec des bactéries luminescentes. La bioluminescence intracellulaire est générée par des cellules spécialisées présentes dans le corps (les photocytes) de certaines espèces multicellulaires comme les calamars, les lucioles et des poissons. La lumière est émise à travers la peau ou intensifiée par des lentilles ou des matériaux réfléchissants. La bioluminescence extracellulaire est due à une réaction chimique entre une enzyme, la luciférase, et une protéine de substrat, la luciférine. Une fois synthétisé, chaque composant est stocké dans les glandes de la peau ou sous celle-ci. L’expulsion et le mélange de chaque réactif à l’extérieur de l’animal – quelques espèces de crustacés et des céphalopodes abyssaux – produit un nuage lumineux. La symbiose avec des bactéries luminescentes est le type de bioluminescence le plus répandu du règne animal. On la retrouve surtout chez les animaux marins, principalement ceux vivant dans les abysses, là où la lumière du soleil ne parvient pas. A différents endroits du corps, les animaux disposent de petites vésicules, appelées photophores, qui renferment des bactéries luminescentes. Lorsque la densité des bactéries est élevée, de la lumière est produite.
Des arbres 2.0 au cresson lumineux
Depuis de nombreuses années, la bioluminescence est la cible de nombreux domaines de recherche, en particulier celui de l’énergie. Des chercheurs américains ont ainsi lancé en 2013 le projet Glowing Plants qui consiste à transférer, grâce à la génétique végétale, une capacité biologique naturelle qu’ont certains animaux à émettre de la lumière à des végétaux qui n’en sont pas naturellement dotés. Dans le même ordre d’idées, une équipe de l’Université de New York, en collaboration avec un designer et architecte hollandais et une entreprise spécialisée, a créé une plante d’intérieur dont les racines et les feuilles émettent de la lumière en mélangeant l’ADN des chloroplastes (des organites présents dans les cellules de la plante) avec celui de bactéries marines aux propriétés lumineuses. L’équipe travaille actuellement à créer des spécimens de la taille d’un arbre, des arbres 2.0 qui pourraient remplacer, à terme, les lampadaires des grandes villes !
En 2016, des chercheurs ont introduit le gène de la luciférase de la luciole dans des plantes de tabac. Ces plantes transgéniques, arrosées avec une solution contenant de la luciférine, deviennent lumineuses dans les zones où le gène de la luciférase est exprimé, principalement dans les racines et les feuilles les plus jeunes. Des chercheurs japonais ont appliqué le même principe à des plants de riz et ont réussi à créer des riz luminescents capables de transmettre leur qualité lumineuse – une lumière vert pâle – à leur descendance.
Un an plus tard, une équipe du Massachusetts Institute of Technology a trouvé une nouvelle technique pour faire briller n’importe quelle plante, y compris des arbres. Au lieu de manipuler des génomes, les scientifiques ont encapsulé des molécules bioluminescentes dans des nanoparticules et les ont déposées sur des feuilles de cresson. En jouant sur la taille de ces nanoparticules, ils ont pu contrôler la destination et la libération des composés dans les cellules végétales et rendre le cresson lumineux.
Un éclairage qui ne consomme que du sucre…
Plus près de nous, en France, une startup a créé une matière première bioluminescente faite de micro-organismes, et donc cultivable à l’infini, à partir de certains animaux marins comme la méduse. Cette source d’énergie est concentrée dans des gangues naturelles qui peuvent être collées sur n’importe quel support et émettre de la lumière dont l’intensité et la durée vont varier en fonction de la quantité d’arabinose (une variété de sucre) ajoutée. Les applications sont prometteuses et la société propose déjà des décors luminescents entièrement biologiques pour des présentations de produits ou des soirées événementielles.
Cela dit, si la bioluminescence est promise à un brillant avenir, ce n’est pas pour tout de suite non plus. La lumière émise a une intensité très faible et est encore très loin d’éclairer correctement une rue.
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