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L’intelligence artificielle, amie ou ennemie de la transition énergétique ?

Répondre à cette question n’est pas une tâche aisée, tant les avis sont partagés. Certains pointent son empreinte carbone. D’après une étude publiée en 2019 par l’Université du Massachusetts, développer un algorithme de traduction basé sur l’intelligence artificielle pourrait consommer autant d’énergie que 5 voitures, de leur production à leur fin de vie, et rejeter jusqu’à 284 tonnes de CO2, soit l’équivalent de la consommation en COd’une personne de 56 ans depuis sa naissance. Si un seul algorithme rejette autant de CO2, on n’ose dès lors imaginer la consommation globale des milliers, voire des millions, d’algorithmes produits dans le monde. D’autres, au contraire, estiment que le potentiel de l’intelligence artificielle (IA) pour mieux gérer l’énergie est énorme. Comment démêler le vrai du faux ?

Pour rappel, l’intelligence artificielle est une science qui a pour objectif de doter des systèmes informatiques d’une intelligence comparable à celle de l’être humain. Jusqu’à présent, aucun ordinateur n’est capable de rivaliser avec le cerveau humain, mais deux types d’intelligence artificielle, le machine learning (ou apprentissage automatique) et le deep learning (ou apprentissage profond), s’en approchent de plus en plus. Tous deux sont capables d’analyser de larges volumes de données et de prendre des décisions sans intervention humaine.

Un impact environnemental réel

Le machine learning est une approche fondée sur des analyses statistiques permettant aux ordinateurs d’améliorer leurs performances à partir de données et de résoudre des tâches sans être explicitement programmés pour celles-ci. Le deep learning est une sous-catégorie du machine learning. Il consiste à construire des réseaux de neurones artificiels imitant la façon dont le cerveau humain traite les données qu’il reçoit. Contrairement au machine learning, le deep learning n’a pas besoin d’une intervention humaine pour apprendre et corriger ses erreurs. Par contre, son entraînement est beaucoup plus long à cause de l’importante quantité de données à traiter et des nombreux paramètres et formules mathématiques impliqués, ce qui nécessite une grande consommation d’énergie. Pour donner un exemple, GPT-3, dont ChatGPT est en quelque sorte la version grand public, et ses 175 milliards de paramètres ont nécessité des mois d’entraînement, soit plus de 1 million de kWh (1.287.000 kWh ou 1.287 MWh pour être précis). En comparaison, avec 1 kWh, on peut faire fonctionner un réfrigérateur combiné pendant une journée.

Si l’intelligence artificielle est très énergivore dans sa phase d’apprentissage, elle l’est beaucoup moins une fois qu’elle est mise en production. De plus, elle peut apporter une réelle valeur ajoutée dans le secteur de l’énergie. Celui-ci, confronté à des problèmes de plus en plus complexes comme la transition aux sources d’énergie renouvelables, l’essor de l’électromobilité et la création de communautés énergétiques, aura de plus en plus de mal à garantir à l’avenir l’approvisionnement énergétique sans aides technologiques.

Un outil fiable de prévision

En fournissant des prévisions météorologiques de plus en plus pointues, l’intelligence artificielle permettra aux producteurs d’énergies renouvelables d’anticiper de manière beaucoup plus fiable l’évolution de leur production. Les énergies vertes dépendent en effet de ressources liées aux conditions météorologiques telles que la lumière du soleil, la circulation de l’air et de l’eau. Bientôt, il sera possible de déterminer avec précision quand et à quelle vitesse le vent soufflera et à quel moment et dans quelle proportion la pluie tombera. DeepMind, une société londonienne rachetée par Google en 2014, a développé en collaboration avec le Met Office du British National Weather Service un outil de deep learning baptisé DGMR (Deep Generative Models of Rainfall) et capable de prédire avec exactitude l’emplacement, la portée, le mouvement et l’intensité de la pluie dans les 90 prochaines minutes.  

Essentielle au bon fonctionnement de la maintenance prédictive, l’intelligence artificielle va améliorer le rendement des énergies renouvelables. Ainsi, l’entreprise espagnole Substrate AI travaille avec Canadian Solar, l’une des plus grandes sociétés productrices d’énergie solaire au niveau mondial, sur un projet-pilote visant à prévenir les pannes d’onduleurs et éviter une chute de la production solaire de plus de 20% en moyenne. À l’échelle de l’Union européenne, le projet ELEMENT a pour objectif de développer un nouveau système de commande des turbines marémotrices piloté par l’intelligence artificielle afin d’optimiser leurs performances et de réduire de 17% leurs coûts de maintenance.

Des capacités encore largement sous-exploitées

Et ce sont là que quelques exemples des multiples possibilités offertes par l’intelligence artificielle ! Celle-ci va améliorer encore un peu plus la gestion des réseaux d’énergie et l’autonomie des micro-réseaux grâce à une prédiction plus fine de la consommation des ménages, des prévisions météo et des travaux de maintenance. Elle va rendre les bâtiments et les villes moins énergivores. Elle pourrait même contribuer à l’essor de la fusion nucléaire grâce à une stabilisation du plasma à l’intérieur de la cuve à une température supérieure à celle du Soleil.

Cerise sur le gâteau, l’intelligence artificielle a aussi la capacité de limiter sa propre consommation d’énergie. Depuis 2018, l’intelligence artificielle mise au point par Google pilote en totale autonomie le refroidissement de ses data centers. Il serait également possible d’alléger la facture énergétique de la phase d’entraînement du deep learning par des modèles pré-entraînés que l’on transposerait d’un outil à l’autre en fonction des besoins.

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