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Des pierres bouillantes capables de stocker l’énergie

Si les énergies renouvelables ont tendance à s’imposer de plus en plus partout dans le monde, leur stockage en masse reste un casse-tête technologique et économique. Différentes solutions innovantes sont actuellement proposées. Parmi celles-ci figurent une pierre mais pas n’importe laquelle, une pierre bouillante appelée zéolithe.  

Les zéolithes (dont le nom signifie en grec « la pierre qui bout »[1]) sont des aluminosilicates[2] cristallins. On les retrouve à l’état naturel dans les eaux alcalines et les sédiments. Les zéolithes naturelles se sont formées après plusieurs millions d’années à partir de cendres volcaniques déposées dans des lacs salés. Au cours du temps et sous l’effet du milieu alcalin, les cendres se sont altérées puis ont cristallisé pour aboutir aux zéolithes. Depuis sa découverte en 1756 par le minéralogiste suédois Axel-Frederik Cronstedt, la famille des zéolithes s’est considérablement agrandie. On connaît actuellement 48 zéolithes naturelles et depuis les années 50, il est également possible de les élaborer par synthèse. Les chimistes ont ainsi créé près de 200 formes de synthèses.

Des applications multiples

Les zéolithes sont des minéraux poreux : leur squelette, constitué par un assemblage d’atomes, laisse apparaître des trous – les pores – disposés régulièrement. Grâce à ces pores, les zéolithes peuvent garder des molécules sur leur surface interne (adsorption) ou, au contraire, les libérer (désorption) sans aucune modification structurale. Cette capacité d’adsorption/désorption permet aux zéolithes d’être utilisées dans une multitude d’applications. Elles interviennent notamment comme tamis moléculaires pour séparer les mélanges gazeux ou liquides, échangeurs d’ions et adsorbeurs de gaz. On les retrouve également dans les adoucisseurs d’eau, les lessives (pour remplacer les phosphates), les fertilisants de sols agricoles et les systèmes de génération d’oxygène de qualité médicale.  

Les zéolithes se révèlent particulièrement efficaces pour stocker et restituer l’énergie. Grâce à leur facilité d’hydratation et de déshydratation et leur stabilité structurale, elles peuvent reproduire indéfiniment le cycle d’adsorption/désorption et constituent des collecteurs efficaces pour le stockage de l’énergie solaire, notamment dans les maisons individuelles. Le principe est relativement simple. En été, la chaleur issue des capteurs solaires thermiques est stockée par la zéolithe qui se déshydrate et libère l’eau stockée sous forme de vapeur d’eau. Cette condensation permet de récupérer une chaleur qui peut être employée pour l’eau chaude sanitaire. En hiver, c’est le phénomène inverse d’adsorption qui se produit. Les molécules d’eau se fixent sur la zéolithe et ce phénomène physique se traduit par un important dégagement de chaleur qui est restitué à un réseau de chauffage ou d’eau chaude sanitaire.

Une alternative prometteuse aux combustibles fossiles

Et ce n’est qu’un début ! De plus en plus de scientifiques et d’industriels considèrent les zéolithes comme une alternative intéressante aux combustibles fossiles grâce à leurs propriétés acides qui en font d’excellents catalyseurs hétérogènes. Les zéolithes peuvent en effet privilégier une réaction chimique plutôt qu’une autre et permettent des transformations sélectives de forme. Cette particularité est déjà exploitée par l’industrie pétrochimique pour la transformation des hydrocarbures mais pourrait à l’avenir être utilisée dans le cadre d’une chimie plus verte. Des recherches ont ainsi prouvé que les zéolithes permettraient une meilleure valorisation du CO2 en méthanol. Or le méthanol pourrait non seulement convenir comme carburant propre pour remplacer l’essence dans les voitures mais aussi pour stocker l’excédent d’énergie produite par les éoliennes.

Certaines zéolithes, celles du type ZSM-5, pourraient même transformer le méthanol en hydrocarbures légers tels que l’éthylène et le propylène (processus MTO), comme l’a démontré le Luxembourgeois Pit Losch dans sa thèse de doctorat en catalyse hétérogène défendue à l’Université de Strasbourg[3]. Jusqu’ici, ces oléfines étaient fabriquées presque exclusivement sur la base de combustibles fossiles (pétrole, gaz). Grâce à ce nouveau processus, l’industrie plastique tributaire des oléfines pourrait non seulement remplacer les sources énergétiques fossiles mais aurait dans le même temps une alternative plus écologique.  

Bref, pour paraphraser le proverbe Pierre qui roule n’amasse pas mousse, Pierre qui bout permet beaucoup.  


[1] Ce nom provient du fait que son découvreur Axel-Frederik Cronstedt a observé que ce minéral se couvrait de bulles comme s’il bouillait lorsqu’il était chauffé à 150°C.

[2] Les aluminosilicates sont des minéraux du groupe des silicates dans lesquels certains atomes sont remplacés par des atomes d’aluminium.

[3] Synthesis and characterisation of zeolites, their application in catalysis and subsequent rationalisation: methanol-to-olefins (MTO) process with designed ZSM-5 zeolitesStrasbourg, 2016.

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