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Bientôt une industrie zéro carbone grâce aux énergies renouvelables ?

Jusqu’à présent, les industries étaient considérées comme difficiles à décarboner, car elles émettent beaucoup de CO2. Mais les choses devraient rapidement changer dans les années à venir. Selon l’institut allemand de référence sur la transition énergétique, Agora Energiewende, les nouvelles technologies pourraient permettre aux industries de la chimie, de l’acier et du ciment d’atteindre à elles seules l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre du secteur industriel dans le système européen d’échange de quotas d’émission pour 2030.

La chimie verte

Outre le recyclage des déchets plastiques, les industries chimiques devraient diminuer dans un futur proche leur empreinte écologique en électrifiant leurs chaudières actuellement alimentées au gaz. Parmi les technologies envisagées pour aboutir à cette électrification figurent les pompes à chaleur haute température à compression électrique – la chaleur récupérée par les pompes à chaleur est maintenue à des niveaux de température élevée grâce à des compresseurs – et les chaudières à électrode haute tension – elles utilisent les propriétés conductrices de l’eau pour transporter un courant électrique à travers un jet d’eau. Quant à l’hydrogène, très utilisé dans la chimie et le raffinage, il pourrait devenir vert grâce à une production par électrolyse de l’eau – la molécule d’eau est séparée en hydrogène et en oxygène – à partir d’électricité provenant d’énergie renouvelable.

L’acier zéro carbone

L’industrie sidérurgique pourrait également réduire d’ici la prochaine décennie ses émissions d’un tiers (elle représente à elle seule 5 à 7% des émissions mondiales de CO2). Comment ? En développant des solutions permettant d’améliorer l’efficience énergétique et de réduire la consommation d’énergies fossiles dans le processus de production traditionnel. L’usine ArcelorMittal Belval a ainsi inauguré en juin 2018 un système de récupération d’excédent de chaleur générée lors de la production de palplanches en acier. La chaleur récupérée, équivalant aux besoins annuels de 4.000 maisons, est ensuite injectée dans le réseau de chauffage urbain Sudcal qui approvisionne en chaleur tout le quartier Belval et les quartiers Nonnewisen et Sommet. Le système permet à Sudcal de couvrir environ 70% de ses besoins et lui évite de consommer 1,6 million de litres de mazout par an, soit une réduction des émissions de gaz à effet de serre de quelque 5.000 tonnes.

Des projets sont également en cours pour substituer au coke – un dérivé du charbon – d’autres combustibles. En Suède, le consortium Hybrit, créé par l’aciériste SSAB, la compagnie minière LKAB – qui produit ¾ du minerai européen – et le fournisseur d’énergie Vattenfall, a pour objectif de commercialiser un acier zéro carbone, de l’extraction du minerai jusqu’au produit fini, avec la mise au point dès 2026 du premier site pilote. Dans le processus de production actuel, les boulettes de minerai sont fondues avec du coke dans des hauts-fourneaux très polluants. Cette étape sera remplacée par un procédé dit de réduction directe : de l’hydrogène vert va réduire les minerais de fer à l’état solide sans fusion avec le métal et produire de l’eau (et non plus du dioxyde de carbone). Le fer sera ensuite fondu dans des fours à arc électrique, eux aussi alimentés par des énergies renouvelables. Il en résulte des éponges qui serviront à la fabrication d’un acier entièrement décarboné.

Si la plupart des industriels européens ont emboîté le pas au consortium Hybrit, d’autres, comme ArcelorMittal, ont également exploré des pistes différentes comme la transformation de la biomasse en biocharbon pour remplacer l’utilisation de charbon dans les hauts-fourneaux (projet Torero) ou la capture des gaz des hauts-fourneaux riches en carbone pour les convertir en bioéthanol utilisable par la suite comme biocarburant ou comme matière première de carbone recyclé pour l’industrie chimique (projet Catalyst). 

Le béton bas carbone

L’impact carbone du béton traditionnel tient en grande partie à la clinkérisation du ciment. Le béton est formé majoritairement de granulats (80%) dont du sable, un liant (principalement le ciment, 13%) et de l’eau. Les propriétés hydrauliques du ciment (durcir en se mélangeant à l’eau puis agréger les granulats) sont obtenues grâce au clinker, un constituant qui résulte d’un mélange de 80% de calcaire et de 20% d’argile porté à très haute température (1.500°C), puis broyé. Les émissions de COdu clinker sont imputables à 40% à sa cuisson et à 60% à la décarbonatation du calcaire qui, en cuisant, relâche son CO2. Pour réduire cet impact, plusieurs pistes sont explorées. Le clinker pourrait être remplacé en tout ou partie par d’autres ressources disponibles comme les laitiers de hauts-fourneaux[1], l’argile ou le gypse. Les fours pourraient utiliser des combustibles alternatifs comme la biomasse, fonctionner avec de l’énergie renouvelable comme l’électricité verte, cuire à température plus basse (800°C – 1200°C), disposer d’un système de récupération de chaleur ou utiliser des granulats absorbants de CO2. Certains fabricants proposent déjà des ciments sans clinker et sans cuisson.    

Faut-il en conclure que l’industrie zéro carbone, c’est pour bientôt en Europe ? L’avenir seul le dira. En tout cas, cela semble technologiquement possible.


[1] En sidérurgie, le laitier correspond aux scories qui sont formées en cours de fusion ou d’élaboration du métal par voie liquide. Il s’agit d’un mélange composé essentiellement de silicates, d’aluminates et de chaux, avec divers oxydes métalliques, à l’exception des oxydes de fer.

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