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La fusion nucléaire deviendra-t-elle bientôt une réalité ?

Tous les experts sont formels : d’ici la fin de ce siècle, la demande en énergie aura probablement plus que triplé sous les effets combinés d’une pression démographique de plus en plus forte, d’une urbanisation en constante augmentation et de l’extension du réseau électrique dans les pays en développement. Pour faire face à ce défi énergétique sans précédent, il est urgent de trouver une nouvelle source d’énergie à grande échelle, pérenne, propre et sans déchets toxiques. Ce Graal énergétique existe, c’est la fusion nucléaire !

Une énergie à profusion

Contrairement à la fission nucléaire, le phénomène physique exploité au cœur des centrales nucléaires actuelles qui consiste à briser un noyau atomique pour produire de l’énergie, la fusion nucléaire assemble deux noyaux atomiques pour en former un plus lourd. Cette réaction permet de libérer, à masse égale, une énergie près de quatre millions de fois supérieure à celle d’une réaction chimique comme la combustion du charbon, du pétrole ou du gaz et quatre fois supérieure à celle résultant de la fission nucléaire.

L’autre avantage de la fusion nucléaire est la disponibilité universelle et quasiment inépuisable de ses combustibles. Le deutérium et le tritium sont deux isotopes de l’hydrogène : l’un est présent à l’état naturel en grandes quantités dans les océans et le second est produit pendant la réaction de fusion lorsque les neutrons issus de la fusion interagissent avec le lithium des modules placés dans la chambre à vide. Or les réserves de lithium dans la croûte terrestre permettraient l’exploitation de centrales de fusion pendant plus de 1.000 ans et celles des océans pourraient répondre aux besoins pendant des millions d’années.    

Denier intérêt majeur :  la fusion nucléaire ne génère pas de dioxyde de carbone (CO2) ou d’autres gaz à effet de serre – le sous-produit principal est l’hélium, un gaz inerte non toxique. Elle ne produit pas non plus de déchets radioactifs de haute activité à vie longue.

Un soleil artificiel chinois six fois plus chaud

Mais si la fusion nucléaire présente d’indéniables atouts, sa principale difficulté réside dans sa réalisation. Depuis le dépôt de brevet du premier réacteur à fusion en 1946, aucune application industrielle n’a encore abouti. Reproduire sur Terre, dans un environnement confiné, ce que le Soleil et la plupart des étoiles de l’Univers réalisent de manière naturelle depuis des milliards d’années est une opération délicate. Pour que les atomes de deutérium et de tritium puissent fusionner, les scientifiques doivent mettre au point d’immenses fours capables de maintenir suffisamment longtemps et de manière stable un plasma chauffé à température très élevée, de l’ordre de 150 millions de degrés Celsius.

Une première percée eut lieu en 1968 lorsque les chercheurs soviétiques parvinrent à atteindre des niveaux de température et des temps de confinement du plasma – deux des paramètres essentiels de la fusion – jamais obtenus par le passé. La machine consistait en un dispositif de confinement magnétique en forme d’anneau baptisé tokamak : un mélange gazeux d’isotopes d’hydrogène est confiné grâce à un champ magnétique produit par des bobines et un courant induit circulant dans le plasma. Depuis, le procédé s’est imposé dans le monde avec des améliorations constantes au fil des années. Cinquante ans plus tard, en novembre 2018, des ingénieurs chinois de l’Institut de Physique de Hefei annonçaient avoir réussi à mettre au point un soleil artificiel six fois et demi plus chaud que le vrai. Dénommé EAST (Experimental Advanced Superconducting Tokamak), ce réacteur a atteint une température de 100 millions de degrés et a maintenu pendant plus de 100 secondes les conditions nécessaires à la fusion nucléaire. Quelques mois après cette prouesse, les autorités chinoises ont rapporté qu’un nouveau soleil artificiel – baptisé HL-2M – pourrait voir le jour d’ici la fin de l’année 2019 et serait susceptible de battre également des records.

Le plus grand programme de recherche scientifique au monde

Cette nouvelle machine chinoise contribuera également à la phase opérationnelle d’ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor). Ce projet titanesque, doté d’un budget de près de 20 milliards d’euros, englobe l’Union européenne, les États-Unis, la Russie, la Chine, l’Inde, la Corée du Sud, le Japon et la Suisse. Il a pour objectif de dépasser le seuil de rentabilité, le fameux facteur Q, afin de prouver que la fusion nucléaire peut être utilisée comme une nouvelle source d’énergie. Ce réacteur expérimental, pesant près de 23.000 tonnes et situé sur le site de Cadarache dans les Bouches du Rhône en France, devrait produire son premier plasma, à base d’hydrogène, en décembre 2025. S’ensuivra une période ponctuée par de nombreuses expériences scientifiques avant le début de l’exploitation en deutérium-tritium en 2035. A cette date, ITER devrait être en mesure de fonctionner à pleine puissance.

Si les expérimentations d’ITER sont couronnées de succès, un autre réacteur de fusion nucléaire, plus puissant et intitulé DEMO (Demonstration Power Plant), pourrait prendre sa place d’ici 2040. Fonctionnant de manière continue ou quasi-continue et relié au réseau électrique, ce démonstrateur industriel – grâce auquel des prototypes moins coûteux pourraient être assemblés dans un but commercial – devrait être en mesure de produire au minimum une énergie de fusion de 2 gigawatts pour un rapport énergie consommée/énergie produite de 1 pour 25 (Q=25), voire plus. Si tout se déroule comme prévu, la première démonstration de production d’électricité aurait lieu en 2048. En résumé, il faudra encore de la patience et beaucoup d’efforts avant que l’énergie des étoiles ne puisse être mise en boîte.

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