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Quand le kérosène devient solaire
Comment diminuer ses frais de carburant tout en réduisant ses émissions de CO2 alors que le nombre de passagers augmente d’année en année : tel est le défi auquel est confronté l’industrie aéronautique. Mais se mettre au vert n’est pas si évident que cela. Dans un précédent article (« Après les voitures propres, les avions propres ? »), nous avions évoqué les différentes pistes actuelles. Des avions électriques à l’expérience Solar Impulse, un prototype entièrement solaire, en passant par les biocarburants comme le bioéthanol ou le biodiesel, toutes ces alternatives sont encore trop coûteuses pour les avionneurs et avec un impact sur l’environnement parfois très relatif.
Un carburant aux stocks inépuisables
Dès lors, s’il n’est pas possible aujourd’hui de se passer du kérosène, pourquoi ne pas le rendre plus vert et inépuisable en le fabriquant uniquement à partir des rayons du soleil, de l’eau et du dioxyde de carbone ? C’est à ce projet révolutionnaire que s’est attelé le programme Solar-Jet. Lancé en 2011 et soutenu financièrement par l’Union Européenne, Solar-Jet regroupe des industries et plusieurs organisations de recherche tels que l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (ETHZ), l’Agence aérospatiale allemande (DLR) et le think-tank Bauhaus Luftfahrt à Munich. Au printemps 2014, le consortium annonce avoir réussi à produire du kérosène à l’aide d’un processus thermochimique basé sur de l’énergie solaire concentrée.
Au cœur de la production de ce kérosène solaire se trouve un réacteur solaire conçu par les équipes de l’ETHZ. Ce réacteur contient un absorbeur solaire en céramique poreuse composé d’oxyde de cérium – un corps métallique simple utilisé notamment dans la confection des pierres de briquet – qui permet un fractionnement moléculaire de l’eau (H2O) et du CO2 dans un processus d’oxydoréduction cyclique en deux étapes. La première étape utilise des radiations solaires concentrées pour atteindre des températures de 1500°C. L’oxyde métallique relâche alors de l’oxygène et se trouve dans un état réduit. La deuxième étape a lieu à 700°C. L’oxyde réagit avec l’eau et le CO2, acquiert à nouveau de l’oxygène et, en retrouvant son état original, peut relancer un nouveau cycle d’oxydoréduction. Le résultat de cette opération est la production d’un gaz de synthèse, le syngas, un mélange d’hydrogène (H2) et de monoxyde de carbone (CO). Ce gaz de synthèse est ensuite transformé par le procédé Fischer-Tropsch en un kérosène pouvant être utilisé par les avions actuels sans qu’il soit nécessaire d’en modifier les moteurs. Le procédé Fischer-Tropsch n’est pas nouveau : il a été inventé en 1923 par les chercheurs allemands éponymes et fait intervenir la catalyse du monoxyde de carbone et d’hydrogène en vue de les convertir en hydrocarbure.
Le CO2, une nouvelle source d’énergie ?
Les avantages de cette technologie sont nombreux : elle permet non seulement de produire du kérosène – et, par la suite, d’autres carburants comme le diesel ou l’essence – non polluant et sans aucun impact sur l’environnement mais aussi de transformer le CO2, principal responsable du gaz à effet de serre, en ressource utile. De plus, la filière de transformation du syngas en kérosène est déjà déployée à l’échelle mondiale par les entreprises. Seul bémol : la production de syngas au moyen du rayonnement solaire concentré en est encore à un stade peu avancé de développement. La technologie du réacteur solaire doit encore être optimisée pour améliorer la transmission de chaleur et les temps de réaction et ainsi maximiser l’efficacité de la conversion solaire/kérosène. A l’heure actuelle, la conversion entre énergie solaire et gaz synthétique est de l’ordre des 5%. Or, pour atteindre un seuil de rentabilité, cette efficience doit être multipliée par trois !
Le chemin est donc encore long mais l’essentiel n’est peut-être pas là. Solar-Jet a surtout démontré qu’il était possible avec la seule énergie solaire de transformer le dioxyde de carbone en énergie et cet exploit a fait des émules. Ainsi, une équipe de chercheurs du Laboratoire d’électrochimie moléculaire (Université Paris-Diderot, CNRS) a démontré, dans des travaux publiés en juillet 2017, qu’il était possible de convertir, à l’aide de la lumière solaire, le CO2 en méthane (CH4) mais cette fois-ci avec un catalyseur à base de fer.
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