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Et si on stockait de l’électricité grâce à de l’air comprimé ?
La suggestion pourrait sembler saugrenue au premier abord mais de nombreux scientifiques et industriels y songent sérieusement. L’air comprimé pourrait même devenir LA solution d’avenir pour stocker de l’énergie renouvelable et ainsi pallier le caractère intermittent de l’énergie solaire ou éolienne. Elle permettrait aussi de réguler le prix de l’électricité entre heures creuses et heures pleines.
Mais de quoi s’agit-il au juste ? Le « CAES » (de l’anglais Compressed Air Energy Storage) est un système de stockage et de restitution d’énergie sous forme d’air comprimé greffé sur des turbines à gaz. C’est un système relativement ancien : la première installation a été construite en Allemagne en 1979. Le principe de cette technologie repose sur l’élasticité de l’air. En phase de stockage, des compresseurs à haute pression (de 100 à 300 bars) utilisent l’énergie disponible sur le réseau électrique pour capter l’air ambiant et le comprimer. L’air ainsi comprimé et devenu très chaud – il peut atteindre jusqu’à quelques centaines de degrés Celsius – est ensuite acheminé et stocké dans un réservoir adéquat. En phase de déstockage, l’air comprimé est extrait de son réservoir et déchargé avec du gaz naturel dans une chambre de combustion. Le mélange en sortie entraîne une turbine et un alternateur pour produire de l’électricité et la réinjecter dans le réseau.
Une technologie réellement efficace ?
Si, sur le papier, l’idée est géniale, il subsiste néanmoins un gros problème technique. Il n’existe pas à ce jour un réservoir permettant un stockage de l’air qui maintient en même temps une haute température et une haute pression. Dans un système CAES conventionnel, l’air comprimé extrait du réservoir lors de la phase de déstockage a perdu beaucoup de chaleur et doit être préchauffé avec du gaz avant d’être envoyé dans la chambre de combustion. Du coup, son efficacité n’est que de 50%, soit un niveau largement inférieur à celui d’autres systèmes de stockage d’énergie comme le stockage par batterie ou les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP).
Pour pallier cet épineux problème et relancer l’intérêt pour ce mode de stockage, deux nouveaux procédés ont été mis au point. Le premier est le système adiabatique (du grec adiabatos « qui ne peut pas être traversé ») qui n’échange pas de chaleur avec l’extérieur. Les CAES adiabatiques sont semblables aux CAES conventionnels si ce n’est qu’ils sont constitués d’un réservoir permettant de stocker l’air comprimé et d’un système de stockage thermique récupérant la chaleur de l’air comprimé en sortie de compresseur. En phase de déstockage, cette chaleur est restituée à l’air comprimé avant le passage dans la turbine. Le deuxième procédé, encore à l’état de prototype, utilise un processus dit isotherme. Un CAES isotherme consiste à extraire la chaleur de l’air au fur et à mesure de sa compression pour en conserver un maximum (et non pas après sa compression comme dans les systèmes adiabatiques). Grâce à cette technique, le rendement des CAES serait presque doublé : près de 95%.
Des grottes aux sous-marins
Outre la technologie, d’importants progrès ont été faits dans le choix des réservoirs. A côté des grottes, cavités géologiques et autres mines pour les volumes importants, des réservoirs artificiels en surface ou enterrés ont vu le jour pour des volumes plus restreints. Des solutions alternatives émergent, comme le lancement en 2015 du stockage sous-marin de l’air comprimé dans le lac Ontario, au large de Toronto, la plus grande ville du Canada. Le poids de l’eau assure le maintien en pression des réservoirs semblables à des ballons.
L’Union Européenne n’est pas en reste et a investi plusieurs millions d’euros dans une installation CAES en Irlande censée générer, grâce à de l’énergie verte et de l’air comprimé, jusqu’à 330 MW d’énergie pendant 6 heures, soit le tiers de la production d’une centrale à charbon. Et ce n’est pas tout : la société irlandaise, à l’origine de cette centrale, aurait dans ses cartons deux projets de CAES particulièrement novateurs par rapport à leurs prédécesseurs mais, pour l’instant, rien ne filtre. Il faut dire que les enjeux économiques sont colossaux et que le premier qui aura mis au point une installation CAES 100% rentable et entièrement opérationnelle aura un avantage technologique considérable sur ses concurrents en matière de stockage d’énergie, renouvelable ou non.
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